L’assurance chômage, c’est fini ?
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Depuis deux ans, le gouvernement a entrepris en même temps deux chantiers : celui de la liquidation de l’Assurance chômage et celui dit de la « lutte contre la pauvreté ». Une semaine après l’adoption de la loi Pénicaud visant à la destruction de l’Assurance chômage, le 13/09/2018, Macron annonçait la mise en œuvre d’un vaste « Plan de lutte contre la pauvreté » et l’ouverture d’une concertation au sujet de la création d’un « Revenu universel d’activité » avec les associations du collectif ALERTE - composé d’organisations caritatives.
La réforme en cours du système d’Assurance chômage (Loi Pénicaud du 05/09/18, décret du 30/12/18 aggravant les contrôles et les sanctions sur les demandeurs d’emploi et nouvelles mesures annoncées le 18/06/19) vise à exclure de l’indemnisation du chômage des centaines de milliers de demandeurs d’emploi et à abaisser le niveau des allocations de façon drastique pour tous.
Elle va faire basculer des centaines de milliers de personnes dans les aides sociales et la pauvreté, en plus de celles qui y sont déjà. Alors que 42 % des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi sont actuellement indemnisés par l’Unedic, cette réforme a prévu une forte baisse de moyens pour l’assurance chômage, une fiscalisation et une étatisation du régime. Tout ceci contribuant à mettre en place un système fondé sur l’assistance et la charité d’Etat pour le plus grand nombre des chômeurs et précaires.
Même si le RUA envisagé par le gouvernement était un « revenu universel » tel que le rêvent certaines associations disant lutter contre la pauvreté, il n’y aurait là qu’une vaste opération de tromperie de l’opinion et de division des chômeurs et des précaires.
Le gouvernement Macron a, en effet, organisé la mise en faillite de l’Unedic, par la suppression des cotisations sociales (déjà totale pour les cotisations salariales et en voie d’achèvement pour les cotisations patronales, vu le système d’exonérations) ainsi que par l’appel aux marchés financiers et la « titrisation » de la dette, afin de faire financer à l’avenir ce régime par des investisseurs privés.
Les fondements du système français de protection sociale sont par-là niés, avec la fin du financement des prestations au travers du salaire indirect dû aux salariés par les employeurs, et la fin du paritarisme de la gestion de l’Unedic. Dans ce contexte, le régime d’Assurance chômage en voie de privatisation et devenu étroitement contributif ne concernerait plus qu’une très petite minorité de salariés.
Les intentions du gouvernement sont donc très claires : il s’agit bien de substituer à l’Allocation de retour à l’emploi (ARE), au Revenu de solidarité active (RSA) et à l’ Allocation de solidarité spécifique (ASS), pour une majorité des chômeurs et précaires, une nouvelle allocation dite de « RUA » attribuée sous condition de recherches d’emploi et qui risque de se révéler au bout du compte inférieure à ce que sont les misérables allocations d’ASS ou de RSA. Par ce tour de passe-passe et quelques autres, il ne lui restera plus ensuite chaque année qu’à invoquer le déficit du budget de l’Etat pour imposer à tous l’austérité et un nouveau durcissement des conditions d’attribution de toutes les allocations, en contrôlant et en stigmatisant les chômeurs et les pauvres.
Cette politique vise à rendre les pauvres responsables de leur pauvreté aux yeux de l’opinion et n’a de cesse de s’appuyer sur la division de la population active entre salariés stables, précaires, chômeurs, indépendants, travailleurs plus ou moins pauvres… pour imposer à tous un renforcement sans précédent de l’exploitation.
La protection sociale est ici conçue dans une logique dualiste, qui exclut des fractions de plus en plus larges de la population du régime général de sécurité sociale pour les reléguer dans l’assistance et développer les assurances privées. Sans être opposés à l’idée d’un revenu universel déconnecté de « l’employabilité » définie selon les critères patronaux et attribué en fonction des ressources personnelles (plutôt que de celles du foyer), nous affirmons que des propositions sérieuses pour l’avenir du système de protection sociale ne peuvent se réduire à une telle mesure et surtout ne peuvent reposer sur la fiscalité.
Nous appelons à :
la mise en place d’un système de Sécurité sociale unique et universel couvrant les risques liés à l’absence d’emploi et/ou de revenu suffisant pour vivre, conformément à la Constitution française et à la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 23) ; ce système devant être géré par les salariés ou leurs représentants dûment mandatés.
une Réduction du temps de travail massive accompagnée d’un partage du travail et des richesses, seul moyen de pouvoir assurer un emploi et un revenu décent à toutes et tous.
Ceci est la seule solution, face à la destruction/privatisation des reliquats de l’Etat social, afin d’empêcher un retour à la vie au jour le jour, l’institution d’une nouvelle forme de servage, qui est le seul horizon du capitalisme décomplexé.
Secrétariat d’Agir ensemble contre le chômage,
Paris, Lundi 24 juin 2019