Quand les chômeurs se mobilisent

Valérie Cohen et Xavier Dunezat. Presse Universitaire de Rennes, 2018.
jeudi 19 septembre 2019
par  Alain Véronèse

Un gros bon livre (330 pages)qui parle beaucoup d’AC ! Écrit par des observateurs (thésards) qui se mêlèrent aux protagonistes forts pugnaces et farouchement revendicatifs en la période, 1997 et 1998 principalement.

D’aucuns, parmi nous, les anciens du « canal historique » d’AC ! se souviennent de la présence de Valérie, attentive, bien que dans son carnet « griffonnante » dans les diverses réunions d’AC ! à Paris principalement . C’est en Bretagne, à Morlaix et Rennes que Xavier réunit les matériaux de sa partie.

Quelques impressions de lectures, courtes citations.

En lisant les pages du bouquin, j’ai retrouvé l’ambiance souvent tendue, houleuse de nombre de réunions à la Maison des Ensembles et Rue d’Avron.

Le conflit, les « engueulades » entre la tendance « travailliste-syndicale » et l’orientation libertaire « critique du travail-revenu garanti ».

Les forts en gueule de la tendance revenu finirent par faire intégrer leur revendication dans le corpus théorique du mouvement, cahin-caha le reste de la troupe avec plus ou moins de force repris le mot d’ordre : « l’imposition non fédératrice de la cause du revenu garanti » (p.207) .

Les assises de 1996 (Créteil), brièvement énoncées , valideront le compromis revenu garanti au Smic et réduction immédiate du temps de travail, 32h hebdomadaires.
Les débats encore perdurant aujourd’hui autour de la question du revenu de base font de nouveau émerger les contradictions entre les partisans du plein emploi (avec Rtt) et les tenants radicaux d’une sortie du salariat et du droit inconditionnel au revenu.

Les aspects positifs du chômage (avec revenu même faible) sont soulignés page 210 : « Le chômage est plutôt une expérience positive, car on peut faire des choses qu’on a pas eu l’occasion [le loisir] de faire, on ne s’ennuie jamais, c’est un choix de vie, une certaine liberté quand on est célibataire. » déclare un chômeuse de la région de Rennes à Xavier dans l’un de nombreux témoignages, entretiens du livre.

Valérie de noter : « … les chômeurs rencontrés dans AC ! n’étaient pas définis comme des demandeurs d’emploi et se démarquaient volontairement des représentations misérabilistes qui sont plus ou moins associés au chômage » (p.316)
L’exigence du revenu était conçu et revendiquée comme une condition de la liberté réelle et pour le droit à l’expérimentation sociale. Pour la diversité sociologique...

Nostalgie… il y a plus de 20 ans ? C’était l’époque de la combativité propulsive et chargée d’espoirs. Et même le premier ministre de l’époque, Lionel Jospin fut contraint de discuter avec une délégation de chômeurs durant l’hiver 1998. Il lui en coûta quelques milliards(de francs), quelques oboles et un léger relèvement des ASS. C’était peu, insuffisant, mais en période de disette macronnienne cela semble presque généreux.

Les moutons du Larzac qui nous donnent la rage.

Une grosse lacune dans le bouquin des deux compères : rien sur l’apogée du mouvement ?!

Les deux rassemblements du Larzac, au CUN 1998 et 1999, absents du volume !
Pourtant plus de 300 personnes sur 3 jours et demi avec des syndicalistes, universitaires, politistes,… Multiples atelier, échos dans la presse, rapides images dans les télés. De plus, la proximité des moutons donna a beaucoup la rage de vaincre ! Dés septembre, les occupations, les récupérations prolétariennes (dans les supermarchés, on ne s’arrête plus à la caisse…), l’occupation avec évacuation musclée du Conseil Constitutionnel doit dater de cette époque.

Du Larzac qui nous dynamisa pas une ligne. Les thésards étaient à la plage, alors que nous cherchions les pavés ?!

Nonobstant, bien de bonnes choses à lire, multiples témoignages, pourquoi, comment on se mobilise. Paris , Morlaix, Rennes,… dans bien d’autres villes les chômeurs montraient les dents avec quelques espoirs d’arracher un bon morceau pour améliorer le quotidien, mais aussi – davantage peut-être – pour changer la vie.

Une tranche d’histoire récente qui pose une question d’avenir : quand les chômeurs se mobiliseront-ils de nouveau pour se faire entendre plus fort, bien plus fort : le présentement président des ploutocrates veut affamer le chômeur pour l’obliger à traverser la rue et faire le trottoir pour des patrons friands de main-d’œuvre servile.

On a raison de se révolter, clamait hier un philosophe énervé. C’est aujourd’hui plus vrai qu’hier peut-être.
Énervons nous.

Alain Véronèse.
Septembre 2019.


Commentaires