Intégrer les jeunes au droit commun : lever l’interdiction du RMI.
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Pour la Constitution, la société doit « des moyens d’existence convenables  » à chacun de ses membres. Or les jeunes sont exclus depuis 13 ans de l’accès au RMI. Cette situation est proprement insoutenable. Elle bafoue quotidiennement les principes supposés présider à l’organisation de notre société. La majorité pénale et le droit au travail sont fixés à 16 ans ; la majorité civique l’est à 18, mais la majorité sociale doit attendre 25 ans ! Ce n’est qu’à partir de cet age, sauf rares exceptions, que les jeunes peuvent bénéficier du RMI, très minimal droit à la survie. La devise « liberté, égalité, fraternité  » semble un pauvre alibi, purement rhétorique, le sort réel fait aux jeunes est marqué par une violente discrimination sociale.
Cette discrimination interdit toute véritable autonomie : soit ils continuent de vivre sous la dépendance familiale, lorsque c’est possible ; soit ils choisissent de mener de front activité scolaire et travail rémunéré (en Seine Saint-Denis, 1 lycéen sur 4 de plus de seize ans travaille) ; soit ils viennent grossir les rangs de l’errance et de la grande précarité qu’on a vu se développer fortement ces dernières années.
La pauvreté parmi les jeunes va croissant. Les jeunes sont plus pauvres et les pauvres plus jeunes. Cette pauvreté n’est pas mystérieuse ou incompréhensible. Elle trouve son origine principale dans l’organisation actuelle du marché du travail. Les jeunes sont en première ligne dans la précarisation de l’emploi, les bas salaires et la discontinuité des revenus qui l’accompagne. Les entrants sur le marché du travail connaissent systématiquement les « petits boulots  » et le chômage. Des contrats précaires (CDD, intérim, emplois saisonniers, CDI à temps partiel, etc.), des formes d’alternance non reconnue sous le régime du contrat de travail (apprentissage, stages) qui n’assurent pas d’ouverture au droit à l’indemnisation chômage, sont dominants. C’est ainsi que 450 000 jeunes chômeurs, officiellement inscrits (chiffres UNÉDIC), n’ont ni allocation chômage, ni RMI.
Au titre des remèdes partiels à cette situation, le Fonds d’Action Jeunes (FAJ) et le FAJ d’urgence, censés soutenir les jeunes sans ressources, sont absorbés par des mesures d’insertion et laissent perdurer parmi les jeunes une insécurité sociale totale. L’exclusion du RMI subie par les jeunes est paradoxale : elle vise ceux qui de manière évidente sont en phase d’insertion.
Alors que tous, des caritatifs aux politiques, des travailleurs sociaux aux experts, s’accordent à reconnaître que la pauvreté se développe parmi les jeunes, les mesures proposées par le gouvernement restent insuffisantes : en 1998, le rapport Join-Lambert conduisait au renforcement du programme TRACE. Mais une réelle évaluation de ce dispositif (type de contrats et niveau de salaire obtenus à la sortie) n’a toujours pas été entreprise. De plus le dispositif TRACE ne touche qu’une faible part des jeunes. La bourse d’accès à l’emploi (BAE) a été créée pour pallier les insuffisances de ce programme, mais elle ne remet pas en cause la précarité du dispositif. Les emploi-jeunes s’adressent essentiellement aux jeunes diplômés et n’offrent en termes de salaire et de garanties sociales guère mieux que les CEC (contrat emploi consolidés). Il faut se rendre à l’évidence, sous couvert de diminuer le chômage des jeunes, ces dispositifs ne protègent pas de la précarité. Pour les emploi-jeunes, la pérennisation n’est pas garantie, le programme TRACE ne débouche que sur CES et CEC, et ne garantit pas l’accès à une formation qualifiante. Comment peut-on sérieusement parler d’autonomie quand la seule perspective demeure la précarité de plus ou moins longue durée. En outre, les jeunes sont soumis à un durcissement des mesures répressives prises à leur encontre qui semble appelé à s’étendre (centres fermés pour mineurs, mise en place de la Loi de Sécurité Quotidienne qui se traduit par une multiplication des contrôles).
L’insécurité est pourtant d’abord celle vécue par les jeunes. Elle est fondamentalement sociale. Seule une garantie de revenu, adossée à des mesures complémentaires, permettra aux jeunes de disposer enfin des outils nécessaires pour choisir librement leur emploi, leur formation et acquérir ainsi une autonomie véritable. Pour prendre cette direction, AC ! préconise, dans un premier temps, la levée de l’interdiction du RMI aux moins de 25 ans et l’ouverture de ce droit dès 16 ans. Il s’agit de construire les supports sociaux d’une posture d’autonomie : seul le droit à un revenu décent peut permettre aux jeunes de choisir leur formation et de la poursuivre dans de bonnes conditions car seul un revenu décent et individualisé, peut permettre aux salariés contemporains d’être acteurs de leurs choix en matière de formation et d’emploi. La norme sociale applicable est la garantie minimale d’un revenu au moins égal au SMIC mensuel. Telle est selon nous la condition de base autorisant une véritable autonomie.
Dans l’immédiat, l’extension du droit au RMI permettrait, plutôt que d’ouvrir un droit spécifique aux jeunes, de requalifier cette prestation. Elle ne peut plus être considérée comme l’apanage d’une population stigmatisée et exclue. Le RMI doit devenir un droit de ceux qui s’insèrent. Il doit donc évidemment être ouvert aux jeunes. Que la discrimination actuelle cesse ! Il ne s’agit pas d’une utopique lubie militante, généreuse, morale et irréaliste, mais d’établir une continuité des droits sociaux, indépendamment de la situation au regard de l’emploi. Cette continuité des droits ne peut se soutenir que d’intégrer les jeunes au droit commun.
À une telle mesure doivent être associées d’autres dispositions fondamentales pour prévenir l’exclusion :
- extension de l’accès au FAJ dont le budget doit être abondé
- ouverture de l’accès au logement par la prise en charge publique des cautions et garanties locatives, construction d’un million de logements sociaux et réquisitions des logements vides
- droit de tous à une formation choisie et rémunérée, y compris en cas de sortie précoce du système scolaire
- gratuité des transports en commun, afin d’éviter réductions et tarifs catégoriels et d’économiser les frais de contrôle et de billetterie. IL s’agit de faire des transports en commun de véritables services publics accessibles à tous
L’ouverture du revenu minimum aux jeunes doit être accompagnée d’une réforme du dispositif actuel. Outre sa revalorisation substantielle, le revenu minimum doit devenir un droit propre, non dépendant de la composition des ménages, être individualisé afin que la déclaration d’isolement ne soit pas la seule façon d’approcher le maximum théorique de ce minimum vital.
Vu la généralisation des parcours de précarité, une autre modification d’importance est la prise en compte des périodes passées au RMI dans le calcul des cotisations ouvrant droit à la retraite.
Nous avons parfaitement conscience que ces propositions engagent une profonde remise en cause de l’état de choses existant mais sommes déterminés à soutenir ces positions jusqu’à leur mise en Å“uvre. La vie n’a pas de prix.
texte de campagne par AC ! - printemps 2002.
encart
Les luttes des jeunes salariés précaires de la restauration rapide se multiplient depuis un an à Paris : grève de 15 jours avec occupation au Mac Do St-Germain en décembre 2000, grève de 32 jours au Pizza Hut Opéra en janvier 2001 pour des augmentations de salaire et des primes, grève de 115 jours des salariés du Mac Do Strasbourg St-Denis d’octobre 2001 à février 2002 pour la réintégration de salariés abusivement licenciés, manifestation de 2000 personnes le 2 février à Paris. Ces actions ont beaucoup pesé et le patron de Mac Do a finalement cédé.
Le mouvement a depuis longtemps dépassé le cadre de la région parisienne et s’est étendu à d’autres secteurs du commerce. Les salariés de la Fnac des Champs-Élysées se sont mis en grève pendant plus d’un mois. Une intersyndicale est alors née, regroupant Disney, Virgin, Mcdo, Sephora, Fnac, Quick. Tous dénoncent les bas salaires, les cadences infernales, la répression anti-syndicale. Ces luttes payent : des revendications concernant les conditions de travail, les salaires, sont satisfaites, des modes d’action, nouveaux, dynamiques - manifs spontanées, réappropriation de la rue, visites à d’autres enseignes et incitation à la grève - font des émules : le réseau des jeunes précaires s’élargit maintenant aux emploi-jeunes.
La lutte des jeunes précaires continue donc, contre la précarisation des conditions de travail et d’existence : « Fnac, Virgin, Mac Do, Disney, Go sport, même combat !  »