Intervention d’AC ! Université d’Attac, Grenoble 2018.

samedi 15 septembre 2018
par  Alain Véronèse

Le dimanche 26 août, dernier jour, nous avions quelques inquiétudes sur le niveau de fréquentation de l’atelier.
Surprise (agréable), dès 10 h la salle de cours était fort pleine avec plus de 50 personnes ! Bel affiche il faut dire : le CADTM (audit de la dette Unédic), le MNCP, Stop précarité et AC !
Transcription de l’intervention d’AC ! ci -dessous.

Agir ensemble contre le chômage, AC !

Depuis 1994, des revendications à actualiser

J’interviens pour présenter AC !, une association qui fut créée en 1994, à l’issue d’une marche à travers la France avec pour l’arrivée, une grosse manif à Paris.
C’est en 1995 ou 1996 (?) que nous avons collectivement élaboré deux revendications articulées entre elles : la réduction du temps de travail à 32 h hebdomadaires et aucunes allocations chômage inférieures au Smic. Créations d’emplois, mais pas n’importe lesquels, les « bullshits jobs » ne nous séduisent pas du tout…

Le temps passe… les 35 h sont contournées de diverses façons, le patronat ne manque pas d’imagination. Les allocations chômage sont de fait en considérant les ASS, le RSA, les allocs temps partiels aux alentours de 500 euros mensuels… Moins de 50 % des chômeurs sont indemnisés par l’Unédic. La férocité du « Macronisme » ambiant ne va pas arranger les choses…

Donc, en 15 mn environ, je vais faire un topo en 3 points.
1 – un diagnostic, un essai d’analyse des mutations productives en cours. La prise en compte de la révolution numérique pour le dire vite.
2 – une critique sévère, volontairement un peu méchante des propositions (de l’absence de propositions…) n’émanant (pas) de la « gôche » au sens large.
3 – quelques propositions, formulations de revendications à actualiser.

1 – La révolution numérique, cybernétique

La robotique (les entreprises investissent massivement dans le remplacement de la main d’oeuvre par des machines), l’intelligence artificielle, les algorithmes, le « deep learning » (apprentissage profond) des machines provoquent actuellement une révolution dans la production, et ça ne fait que commencer. A l’horizon de quelques décennies, ce sont près de 50 % des emplois qui pourraient disparaître (rapport d’Oxford). La documentation, les études, analyses sur cette révolution numérique sont actuellement surabondants, est disponible sur la table de presse un texte avec références d’une dizaine de livres, plusieurs sites internet.
La tendance est techniquement irréfutable, mais quant à l’orientation politique rien n’est écrit. Un mouvement social d’envergure pourra-t-il orienter positivement las mutations productives en cours ? C’est la question du partage du travail et des richesses et de leur définition même…

Parmi les livres convaincants et inquiétants mon intervention s’appuie principalement sur 2 ouvrages :

- L’avènement des machines. Robots et intelligences artificielles:la menace d’un avenir sans emploi. Martin Ford, FYP éditions, 2017.

- Accélérer le futur. Post-travail et post-capitalisme. Nick Smicek et Alex Williams, éd. Cité du design, 2017.
Le sous-titre des 2 livres sont spécialement explicites : « avenir sans emploi » pour Marin Ford et plus radicalement « société post-travail, post-capitalisme » pour les auteurs « d’accélérer le futur ».

Une petite citation s’impose, tirée d’Accélérer le futur », p.126, 127.
« La dernière vague d’automatisation s’apprête à transformer radicalement la marché du travail [emploi]. Nous assistons à la naissance d’une époque unique dans l’histoire[…]. La portée de ces développements signifie que tout un chacun, depuis les analystes boursiers, jusqu’au ouvrier du
bâtiment en passent par les cuisiniers et les journalistes sont susceptibles d’être remplacés par une machine . Et, à mesure que les robots se substituent à la main-d’œuvre les travailleurs risquent de se trouver confronté à des salaires inférieurs et à une paupérisation croissante. » (p.126,127).

En d’autres termes nous assistons peut-être,à l’émergence,de nombreuses cohortes de surnuméraires, d’inutiles au monde. En face des ces foules paupérisées, Paul Jorion discerne la tentation d’un politique exterministe…

Dés aujourd’hui le remplacement du personnel (humain), est observable dans les super-marchés (caissières), dans les banques, à la poste, dans l’industrie automobile, dans l’agriculture où l’on commence à utiliser des drones,… En Chine, « l’atelier du monde », les robots sont mis en concurrence avec les ouvriers, Foxcom a investi quelques millions de dollars pur, à terme, licencier 1 million d’ouvriers.
Inutile de multiplier les citations, références : la révolution cybernétique-numérique est en marche.
Nous attendons les réfutations argumentées. Si le numérique change radicalement la donne, le discours, les inconsistantes propositions de la « gôche » en sont restés à l’époque de la machine à vapeur… C‘est la transition vers le point n°2.

2 - La Gauche « déroutée », i.e. sur la mauvaise route. La lumière sous le lampadaire

Dans ce que j’appelle la « gôche » (à l’oral on ne voit pas la graphie spéciale), provisoirement je prends bien soin de ne désigner aucune formations, partis, syndicats… Chacun reconnaîtra les siens.
En forçant un peu le trait – pour que l’on voit bien l’image – j’affirme que la gôche en est resté pour l’essentiel à la nostalgie du keynésianisme et fordisme défunts - définitivement .
Vous connaissez l’histoire du type qui a perdu ses clefs, qui les cherche sous le lampadaire, parce que sous le lampadaire il y a de la lumière…
Même aberrations pour certains : il cherche la solution du problème du chômage massif et croissant sous les lumières des 30 Glorieuses… C’est faire fausse route… la gôche, déroutée est sur la mauvaise route. Elle a loupée la bifurcation fondamentale : comme brièvement noté précédemment, le plein emploi à l’ancienne ne reviendra pas. En son temps, André Gorz l’affirmait haut et fort, il y a 20 ans au moins, certains doivent s’accrocher pour suivre les évolutions rapides en cours.
Les professionnels de la profession et autres défenseurs des travailleurs devraient - c’est urgent – réexaminer la « valeur travail » . Deux fois : 1 – sur le plan productif/ économique, qu’en est-il du « travail vivant », sa contribution à la valeur dans un processus dont la tendance est de l’éliminer sans cesse. Et, 2 : que resterait-t-il de la valeur morale, de l’éthique du labeur, dans une société ou la production pourrait se faire avec une moyenne de 2 h par jour ? (Adret, Bizi).
J’ai à ce sujet, échangé quelques mots avec Jean-Marie Harribey, selon lui : « dans une production entièrement automatisée (hypothèse heuristique), il n’y aurait plus de valeur... ».
La gratuité généralisée ?
Mais, la valeur, ne dit rien du prix… Le prix (les prix) n’est pas une somme d’argent (pas davantage le Capital), c’est un rapport social… Bon, ça tourne un peu prise de tête, comme disent les jeunes…
Avec Martin Ford (livre cité), redisons les choses autrement : « A un moment donné, il faudra peut-être se poser une question éthique fondamentale : la population devrait-elle avoir un droit de revendication sur la redistribution des bénéfices générés par la technologie ? » (p.108).
Aie ! L’air de rien, c’est la propriété des moyens de production qui est interrogée !
Sur quoi, par qui est fondé le droit des actionnaires de s’approprier l’essentiel gains de productivité ? Précision : Martin Ford n’est pas un révolutionnaire communiste, plutôt un libéral « humanisticoïde ».

Cette nouvelle répartition de la richesse (à redéfinir), pourrait justifier l’instauration d’un revenu de base (universel).

En avril 2012, Facebook, à acquis Instagram pour 1 milliard de dollars, l’entreprise comptait 13 personnes. What’s app a été racheté 18 milliards de dollars, elle comptait 60 à 80 salariés.

Pour What’s app la valorisation est de 34,5 millions de dollars par personne. Martin Ford de nouveau : « les technologies de l’information peuvent convertir une faible quantité de main-d’œuvre en une énorme valorisation de revenus ». (p.110).
Réclamer du travail pour faire travailler les travailleurs ? Avec une réduction - féroce – du temps de travail ? Peut-être. Ce qui suppose une reconsidération radicale de la « valeur travail ». Cette reconsidération n’est guère audible à « gôche » et bien sûr refoulée à droite…
Troisième et dernier point, rapidement, le temps passe.

3 – Propositions et prospective

Bien évidemment la défense offensive de la réduction du temps de travail est plus urgente que jamais. Depuis 30 ans les gains de productivité pourraient justifier une semaine inférieure à 32 h
L’âge de la retraite sans cesse reculé est une absurdité économique et humaine…
Le patronat a besoin d’une importante « armée industrielle de réserve » pour discipliner l’ensemble de la classe ouvrière. Le Médef a besoin de nombreux chômeurs maintenus dans le besoin, voire affamés un peu. Une indemnisation au Smic minimum pour augmenter la capacité de négociation des « privés d’emploi », pour qu’ils ne deviennent pas des quémandeurs d’emploi.

Je me dois de dire que le revenu de base (modalités du Mouvement Français pour le Revenu de Base, MFRB) ne fait pas l’unanimité dans AC ! Nous étudions la question… Quel montant ? Préserver la totalité de la Sécu ?

Travailler moins, pour travailler toutes et tous, dans une formulation syndicale. Utiliser les gains de productivité, non pour produire plus, mais pour travailler moins et mieux. Les limites écologiques imposent de reconsidérer le totem de la croissance.

Il nous faut inventer un nouvel horizon d’attente . Selon les préconisations d’André Gorz, travailler moins pour avoir le loisir de contribuer à l’édification de « La société du temps libéré » (livre).
Trucider la/les valeur(s) travail… Un gros boulot !

Je vous remercie de m’avoir supporté jusqu’ici.

Applaudissements.
… questions, débat, compléments apportés par les auditeurs…
Dimanche 26 août 2018. Grenoble.

Alain Véronèse.


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