Analyse et commentaire
par
par Claire Villiers
30 avril 2002 : le PARE au TGI (tribunal de grande instance de Paris)...
Les logiques au fil des mots !
Le 30 avril avait lieu la séance de la chambre sociale du Tribunal de Grande Instance de Paris consacrée aux plaintes contre les signataires de la convention d’assurance chômage du 1 Janvier 2002 : le MÉDEF, la CGPME, la CFDT, la CFTC et la CFE/CGC .Elles étaient déposées par les organisations de chômeurs et de lutte contre le chômage AC !, APEIS et MNCP d’une part , la CGT et la CGT Spectacles ainsi que la CGT Force Ouvrière d’autre part et visaient à l’annulation de la convention.
Ce procès avait lieu après plusieurs reports, et après la tenue de la séance du Conseil d’Etat qui avait eu à juger de la demande d’annulation de l’arrêté d’agrément de la convention
Les avocats des différentes parties avaient déposé bien avant leurs conclusions, et les plaidoiries ne faisaient que reprendre certains aspects de l’argumentation.
Il n’y a eu aucun témoin entendu par les juges.
Vous trouverez ci-après la transcription de quelques notes prises lors de l’audience du 30 avril , en espérant qu’il n’y a pas trop de manques ou de contresens : la séance était formellement publique mais on n’entendait pas grand chose ! Il ne s’agit donc pas de citations.
Avocat de la CGT (confédération et fédération spectacles), Maître Henry
La « faute  » de la signature revient à la CFDT, qui considère que les partenaires sociaux sont responsables de l’intérêt général. Pour la CGT, c’est dangereux, d’autant plus que les représentants syndicaux ne sont pas élus, et que les syndiqués sont minoritaires.
Nous sommes devant un assaut de l’ordre public social ; la CFDT a la volonté de gouverner l’espace social . Elle veut prendre la place occupée par FO pendant de longues années.
Rappel des conventions de l’OIT sur l’emploi, le placement, l’indemnisation.
La CFDT veut aller du statut au contrat : c’est l’inverse de la démarche suivie en ce qui concerne les représentants du personnel.
Nous considérons qu’il n’y a pas d’obligation réciproque entre le chômeur et les institutions ; ça c’était le CARE (Contrat d’Aide au Retour à l’Emploi : première version de la convention négociée) . Il a été édulcoré mais la philosophie demeure.
Le Conseil d’Etat et le TGI ont chacun leur rôle : nous considérons que le TGI peut revenir sur ce qu’a dit le Conseil d’Etat.
Les conditions de la négociation : nous n’avons pas reçu les convocations un certain nombre de fois... La CFDT est pourtant si sourcilleuse sur les conditions de la négociation !
Le coup de téléphone Jospin-Seillière : immixtion dans la négociation.
Le seul fait de contractualiser est une entrave à la loi.
Des sanctions dont on dit que ce ne sont pas des sanctions mais des mesures conservatoires (il s’agit de la suspension des allocations par les ASSÉDIC) : que dirait-on d’un employeur qui suspendrait le salaire en attendant on ne sait quelle diligence de la part du salarié...
Organisations de chômeurs : Maître Vasseur, puis Maître Seban.
Les associations sont recevables : la preuve, elles sont reconnues puisqu’elles siègent dans des instances tels les Comités de Liaison.
Avec le PARE, le chômeur s’engage par avance à respecter des engagements qu’il va découvrir ensuite (le PAP).
Les signataires ne pouvaient décider d’instituer un fichier national des demandeurs d’emploi.
Nous assistons à une inversion de logique et à un hold up sur les cotisations . Cette convention met fin au régime d’assurance chômage. Rappel de l’art 34 de la charte des droits fondamentaux (traité de Nice) et de la convention 44 de l’OIT.
Ce n’est plus la perte d’emploi qui ouvre le droit ; c’est l’insertion du salarié dans un processus de retour à l’emploi. D’ailleurs l’allocation est dite « Allocation d’Aide au Retour à l’Emploi  ».
Le code du travail n’a jamais fait de la recherche d’emploi un préalable à l’ouverture des droits.
Remarquons que c’est la même allocation qui est versée quand le chômeur est en formation et qu’il n’est pas disponible pour travailler.
Avocat de la CGT Force Ouvrière
A repris les arguments des deux précédentes plaidoiries en disant son accord.
Avocat de la CFDT : Maître Legrand
La convention UNÉDIC est particulière : est-ce un contrat, un accord collectif ?
Le conseil d’Etat dit que ce n’est ni l’un ni l’autre ; nous vous demandons de dire la même chose.
Pour la CFDT, la signature de cette convention est un acte qui a pour seul objet de mettre en ¦uvre par des acteurs privés des dispositions à caractère réglementaire.
En effet, en l’absence d’agrément, rien ne se passe, et s’il n’y a pas d’accord le pouvoir réglementaire supplée à la carence . La négociation et la signature d’une telle convention sont des actes purement préparatoires à l’agrément
Avocat de l’une parties signataires ( à vérifier CGPME, CFTC ou CFE/CGC)
L’ordre public social s’est fait peu à peu, par négociation entre les partenaires sociaux ; cet accord est de droit privé à l’origine.
Avocat du MÉDEF : Maître Duval
Au départ, les conventions Unedic ressemblaient à des conventions collectives étendues, puis l’Etat a pris de plus en plus de place ; 2 étapes :
il faut un accord signé, pas forcément par tous ; c’est un accord de droit privé
deuxième étape qui échappe à la compétence des signataires : intervention de l’Etat pour en faire un acte administratif
Il précise que si sur ces premiers points il y avait une petite divergence entre les parties signataires, les plaidoiries suivantes, la sienne et celle de l’avocat de la CFDT, sont en fait communes, qu’ils se sont répartis les rôles, qu’il s’agit d’un front commun.
L’article 16 de la Constitution dit : « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi  ».
Cela exclut une approche caritative, on garantit un droit. Le chômeur doit montrer qu’il veut travailler, la collectivité a l’obligation de tout mettre en oeuvre pour que le chômeur puisse occuper l’emploi. Ce n’est pas une question d’argent.
Si cela n’est pas possible, on doit « procurer les moyens convenables d’exister  ».
Il y a donc 3 constantes :
obligation du chômeur de manifester sa volonté de travailler,
dispositifs d’aide à la recherche d’emploi,
revenu financier dans l’attente qu’il retrouve un emploi ; il doit faire les efforts nécessaires.
On accorde l’allocation chômage à des gens qui sont déjà en recherche d’emploi. On pourrait poser la question : vous demandez une allocation, avez-vous déjà recherché un emploi ?
Dès l’origine, l’ASSÉDIC a une mission de reclassement.
En 79, le rapport Farges sur l’ANPE constate que l’on risque d’assister les chômeurs ; il est très sévère.
En 99, rapport de l’IGAS :
Les entretiens ne débouchent pas sur des propositions et engagements précis ; il y a un manque de suivi, etc...
Trois recommandations :
l’ASSÉDIC a un rôle essentiel dans la mobilisation des chômeurs dans la recherche d’emploi
il faut des engagements réciproques entre le chômeur et l’ANPE, une contractualisation
il faut que le chômeur se sente partie prenante.
La convention de retour à l’emploi, c’est l’application de l’obligation constitutionnelle.
Il y a eu deux accords avec l’ANPE et avec l’Etat et l’ANPE.
Le dispositif actuel s’inscrit dans la constitution de 46 qui requiert :
l’implication active des chômeurs
pour qu’ils sortent le plus vite possible, un emploi - nous on fournit toutes les aides possibles.
Que signe le chômeur ? (cf. l’imprimé de demande d’allocation) : deux cadres
Ce qui a réussi dans le privé, c’est l’out placement ; c’est la suite des conventions de conversion.
La négociation assurance chômage c’est pas l’impôt, c’est les entreprises... et les salariés.
Nous avons dégagé de quoi embaucher 3600 agents publics, des fonds pour la formation etc.
Notre erreur c’est d’avoir gardé le nom de PARE entre juin et octobre.
Suite de la plaidoirie, Maître Legrand pour la CFDT.
« L’ASSÉDIC vise le PAP  » : avons-nous outrepassé notre rôle ? C’est une tâche strictement administrative.
On est en droit de participer aux missions de service public et au placement s’il y a des accords (L311.1). Même des employeurs individuels peuvent le faire pour reclasser leur personnel.
Le pouvoir des Assedic de suspendre les allocations : ce n’est pas une sanction ; c’est une mesure de gestion du régime, un peu comme une mise à pied dans une entreprise.
Les instances :
le Groupe Paritaire de Suivi : organe de surveillance de l’application de la convention
la Commission Paritaire Nationale : elle interprète, elle statue par voie de protocole ; c’est le lieu de la négociation collective.
Vous voudriez qu’à chaque fois qu’il faut modifier un détail on réunisse tous les partenaires ?
Pratiquement, il n’est pas possible de le faire. Effectivement entre gestion, interprétation, il peut y avoir des dérives. Mais c’est simple : on ne peut pas faire autrement. Il faut être réaliste et pragmatique, et les organisations syndicales représentent sà »rement davantage qu’un obscur fonctionnaire, même si elles n’ont pas la représentativité du Parlement.
Nous avons été la cible de remarques sur la contradiction entre la lecture de la CFDT et les autres parties sur la portée du PARE. La contradiction n’est qu’apparente. Le PARE n’est pas un contrat, c’est une déclaration sur l’honneur, un appendice de la demande d’allocation. Ce qui est réellement contractuel c’est le PAP et son exécution. Si le chômeur ne veut pas du PAP, il aura quand même ses allocations. Ce que dit la CFDT : en matière de relations sociales, d’emploi, il faut dégager des solutions entre parties représentatives du monde du travail, employeurs et salariés . Le pouvoir d’Etat n’est pas le plus qualifié pour ça. La négociation collective est la raison d’être des organisations syndicales. Le contrat de travail est assujetti, subordonné à l’employeur ; la négociation n’est pas un contrat ; on n’est ni assujetti, ni subordonné. Les travailleurs allemands ne sont pas moins bien garantis avec leur droit négocié.
Sur la convention UNÉDIC : la catastrophe annoncée n’a pas eu lieu ; on prédisait une augmentation de la précarité, un cataclysme, une persécution des chômeurs : rien de tout cela n’a eu lieu.
Jusqu’à présent, on exigeait des efforts des chômeurs, l’ANPE et l’ASSÉDIC ne s’engageaient à rien. Maintenant, les chômeurs sont en droit d’exiger quelque chose. Quand vous êtes en rase campagne, ce qui vous importe c’est qu’on vous indemnise ou qu’on vous envoie un dépanneur ?
Le PARE c’est pour les chômeurs des petites entreprises, ce que sont les plans de reclassement dans les grandes entreprises.
Pour conclure, ce débat a opposé 2 conceptions du chômage :
ceux qui pensent que le chômage est un état à vocation permanente, au risque d’encourager les chômeurs à y rester
ceux qui veulent les en sortir le plus vite possible.
DÉCISION DU TRIBUNAL, le 2 JUILLET 2002...
Rédigé par Claire Villiers le 6 Mai 2002.
Rédigé par Claire Villiers
Rappels : la plainte émanait des 3 associations de chômeurs et de lutte contre le chômage (AC !, APEIS, MNCP) ainsi que de la CGT et CGT Spectacles. FO avait soutenu. Ce procès visait l’annulation de la convention Assurance chômage du 1 janvier 2001. Le recours précédent au Conseil d’Etat visait l’annulation de l’agrément par le gouvernement.
Le TGI avait également à juger de la place que doit occuper la Commission Paritaire Nationale (CPN) entre deux négociations ; cette question était déjà en suspens depuis la convention de 97. Le conseil d’Etat s’en était remis au TGI sur ce point.
Sur la compétence
La convention UNÉdic, même si elle doit être agréée par l’Etat, est un acte de droit privé. Le TGI est donc compétent.
Sur les fins de non recevoir
La demande est différente de celle posée au Conseil d’Etat (annulation de la convention dans ce cas, annulation de l’agrément dans l’autre).
La CGT et FO sont « réputées  » adhérentes parce qu’elles ont signé la convention relative aux institutions de l’assurance chômage. Pour le TGI cela ne peut être considéré comme un acte positif d’adhésion à la convention. Elles sont donc recevables.
Sur le fond
Pour le TGI, la négociation s’est déroulée dans les formes, même s’il reconnaît que la CGT et FO n’ont pas été convoquées à la réunion du 16 septembre.
Pour les séances où elles ont refusé de participer, « elles doivent assumer seules les conséquences de leur refus  ».
« Les dispositions de la convention ne modifient en rien les principes fondamentaux du droit à l’assurance chômage  ».
Le TGI n’a pas retenu l’argument que nous avons développé, à savoir que ce n’est plus la rupture du contrat de travail qui ouvre le droit mais l’entrée dans un processus d’insertion dont on ne connaît d’ailleurs pas le contenu au moment où on signe : on ne connaît pas le contenu de son PAP quand on signe le PARE.
On pourrait dire que le « contrat  » que signe le chômeur s’apparente à un contrat de travail : il perçoit son revenu de remplacement (son « salaire  ») en échange de son activité de recherche d’emploi (son travail). _ C’est bien un contrat de subordination, comme le contrat de travail, puisque s’il ne remplit pas ses « obligations et engagements  » il peut être radié (licencié de l’ANPE et de l’ASSÉDIC).
Le TGI retient donc l’argumentation développée par le gouvernement et par le Conseil d’Etat : le PARE n’est que le rappel des obligations contenues dans la loi.
La page 15 du jugement comprend néanmoins des paragraphes contradictoires : "L’obligation de signer le PARE pour obtenir l’ouverture des droits à l’assurance chômage n’apparaît pas plus excéder le champ de compétence des partenaires sociaux, dès lors que tout demandeur d’emploi doit, pour percevoir ses allocations, en formuler la demande par un acte de volonté et doit s’engager à respecter les obligations légales que le plan se contente de rappeler : « Attendu, par ailleurs, que si, certes, le §3 de l’article 1er du règlement annexé stipule que "Le versement des allocations et l’accès aux services prévus par le présent règlement sont consécutifs à la signature du PARE", cette disposition n’a pas pour effet de porter atteinte à l’ouverture du droit à l’assurance chômage, mais uniquement de subordonner le versement des allocations à l’engagement exprès du travailleur privé d’emploi de respecter les dispositions l’égales que le PARE se contente de rappeler  ».
Dans un cas c’est l’ouverture du droit qui est conditionné, dans l’autre ce n’est que le versement des allocations... querelle byzantine ?
Un autre § de cette même page mérite d’être examiné : « Que la signature d’un tel document ne peut être considérée comme une contractualisation des rapports entre l’allocataire et l’ASSÉDIC et l’ANPE, les engagements pris à cette occasion n’étant que le rappel des obligations voulues par le législateur  ».
Il faudra tirer les conclusions qui s’imposent par rapport à la contractualisation imposée aux chômeurs dans le cadre du PAP.
A travailler ; en particulier il faut reprendre la loi sur le contrôle des chômeurs du 31 déc. 91, les textes d’application de mars 92 et l’arrêt du Conseil d’Etat qui avait cassé certaines dispositions.
La première décision importante est à la page 16 :
La suspension des allocations par les ASSÉDIC « dans la mesure où elle prive, ne serait-ce que provisoirement, l’allocataire de son revenu de remplacement, est de nature à remettre en cause les droits que ce dernier tient de la loi et ne peut qu’être considérée comme une sanction et non comme une simple mesure de gestion  ».
Le TGI prend là une décision contraire à celle du conseil d’Etat, et contre ce qu’avait défendu en particulier MÉDEF et CFDT. En le faisant, il reconnaît que les obligations entraînées par le PARE-PAP sont plus lourdes précédemment.
Dans le cadre des contrôles qu’elles vont effectuer sur la mise en oeuvre du PAP, les ASSÉDIC ne pourront donc plus suspendre les allocations en attendant que la DDTEFP se prononce. Le pouvoir de l’ASSÉDIC de saisir la DDTEFP n’est lui pas contesté.
Rôle de la Commission Paritaire Nationale
Pour le TGI, cette instance n’a qu’un pouvoir de « régulation et d’harmonisation  ».
Les dispositions telles que :
les modalités de l’aide dégressive accordée à l’employeur ;
les conditions d’indemnisation des salariés ayant démissionné ;
le mode de calcul des allocations dues aux saisonniers et aux temps partiels ;
les règles de cumul avec un avantage vieillesse ;
les délais de carence en fin de CDD ;
l’attribution de certaines compétences aux ASSÉDIC locales ;
l’élaboration des règles applicables à certaines catégories professionnelles relevant des annexes (intermittents...).
Ont un caractère normatif : elles doivent donc faire l’objet d’une négociation entre les partenaires sociaux et recevoir l’agrément du gouvernement.
Par contre le TGI considère que le groupe paritaire de suivi ne dispose d’aucun pouvoir normatif et donc ne présente pas de pouvoir illégal. Nous savons que cela est faux : c’est ce groupe qui a élaboré toutes les règles, fluctuantes, d’accès aux aides à la formation dans le cadre des PAP.
Enfin, l’exécution provisoire est ordonnée, c’est à dire que même s’il y a appel, le jugement s’applique immédiatement. Il semble que cela soit assez rare.
MÉDEF et consorts sont condamnés à payer 3 000 euros à la CGT et 3 000 euros aux associations de chômeurs et personnes qui avaient porté plainte.
Il faut voir, dans les jours à venir si MÉDEF ou CFDT vont faire appel. La même question est posée à la CGT et aux associations. En effet, sur le fond : la reconnaissance que le PARE est une obligation supplémentaire, nous n’avons pas gagné.
Ce jugement paraît plus « indépendant  » que celui du Conseil d’Etat ; il donne l’impression d’avoir voulu cantonner l’UNÉDIC dans son rôle et rappeler ce qui relève de la loi. Cela ne vaut pas pour autant une bonne protection des chômeurs : la loi étant elle-même très répressive sur la recherche d’emploi.
Sur la dégressivité, le Conseil d’Etat avait considéré que ce n’était pas du rôle des « partenaires sociaux signataires  » (art. 6) mais de la négociation interprofessionnelle. Le TGI ne dit rien sur ce point.
Sur la suspension des allocations : on pourrait considérer que c’est rétroactif, que l’Etat mais aussi les signataires ont une responsabilité pour avoir signé et agréer des dispositions qui se révèlent illégales. Voir si des recours individuels pourraient être faits.
Il faut exiger l’ouverture de négociations immédiate sur tous les points où la commission nationale n’a plus le pouvoir de décider.
Rédigé par Claire Villiers le 2 juillet 2002.
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