L’allocation universelle d’existence : pour ne plus subir et pouvoir agir.

Publié le 28 janvier 2022 par guyvaletteparis
vendredi 4 février 2022

Né en mars 2013 à l’occasion de la première initiative citoyenne européenne sur ce sujet, le Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB)[1] s’est donné pour mission de promouvoir le revenu universel dans le débat public, jusqu’à son instauration.
Sa charte définit ainsi le revenu de base : « Le revenu de base est un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement. »
Revenu d’existence non pas conçu comme une aumône de survie mais bien comme un droit humain inaliénable, attaché à la personne et non à des conditions sociales, familiales ou professionnelles.
En 2017, avec Benoit Hamon, candidat du Parti socialiste, le revenu universel a conquis droit de cité dans le débat public et il est enfin sortie du ghetto des utopies et des belles idées qui traversent les siècles sans réussir à s’ancrer dans le réel.
Depuis, nombreuses ont été les propositions :
Revenu universel d’activité (RUA), socle citoyen, projet d’expérimentation dans 13 départements, proposition de loi AILES.
Si toutes ces propositions ont le mérite de poser le débat à la fois dans l’hémicycle et sur la place publique ; la plupart des projets esquissés ces derniers années n’arrivent pas à sortir d’une logique d’assistanat qui se limite soit à une simplification d’un système de redistribution complexes, soit à l’automatisation de l’allocation d’aides sociales sous la forme d’un revenu minimum garanti pour les plus démunis. Par les diverses conditionnalités, par un montant trop faible, jamais on ne sort d’un système d’aides sociales curatives pour les victimes d’une distribution inégalitaire de la richesse créée.
Alors que faire quand la distribution de la richesse par le travail (salaires et cotisations) est de plus en plus erratique, que l’insécurité sociale règne alors que la richesse créée n’a jamais été aussi importante ?
Comment assurer à tous les membres de la communauté, en toutes circonstances les conditions concrètes d’existence ?
Comment passer d’une aumône d’État qui assujettit à l’exercice d’un droit universel qui élève ?
Pour cela il est nécessaire de faire une analyse des failles du système actuel de distribution de la richesse créée par le travail et d’en déduire les mesures systémiques à prendre pour garantir ce droit humain universel. C’est ce quoi j’ai essayé de répondre avec cet ouvrage sur cette allocation universelle d’existence.
1. L’universel concret
Tout d’abord rappelons les fondamentaux. Parce qu’il existe, où qu’il soit, quoi qu’il fasse, tout être humain a besoin, pour pouvoir être pleinement soi parmi les autres, outre de l’accès à l’instruction et aux soins, droits en partie acquis en France, d’assurer quotidiennement le couvert et le logis dans des conditions satisfaisantes pour lui et pour toute sa famille. C’est ce que le philosophe Fréderic Worms appelle l’universel concret. Ces dernières nécessités sont, jusqu’à présent, conditionnées au droit à un emploi correctement rémunéré, droit qui est loin d’être universel, et c’est là que le bât blesse.
Le mouvement des gilets jaunes, comme la pandémie de COVID-19 ont révélé la détresse de millions de personnes, cette France qui est à 1 euro près, qui, avec ou sans travail, n’arrivent plus à vivre décemment dans une société où la richesse produite n’a jamais été aussi grande. En 2020 selon le Secours Catholique 10 % de la population française ont eu recours à l’aide alimentaire.
L’emploi n’arrive plus à assurer les deux fonctions vitales qui lui sont propres : produire les conditions élémentaires d’existence, définies par l’article 25 de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, et se réaliser, se produire soi-même en fonction de ses compétences au sein d’un collectif social et culturel.[2] Trop souvent, pour assurer le premier objectif qui est de gagner sa vie, on sacrifie le second qui est de s’épanouir dans une activité choisie.
L’insécurité sociale
Si après la seconde guerre mondiale, pendant les trente glorieuses, parallèlement à la sécurité de la propriété, il existait alors la sécurité de l’emploi et celles des droits sociaux associés au travail, après 40 années de politique néolibérale, avec la mise en concurrence des salariés du monde entier, avec l’exigence de compétitivité, la pression sur les salaires s’est accentuée et les droits se sont érodés.
Avec un outil de production de plus en plus sophistiqué qui exige de plus en plus d’investissements financiers, pour attirer les capitaux, les dividendes ont explosé. Ainsi depuis les années 80, dans l’OCDE, 10% de la valeur ajoutée a migré de la rémunération du travail vers celle du capital et la part des dividendes dans la valeur ajoutée a plus que triplé en 40 ans, leur montant dans le monde ont doublé en 10 ans, parallèlement les inégalités n’ont cessé de s’aggraver.
En outre le progrès technique ne s’accompagne plus de progrès sociaux. Au contraire, Bernard Stiegler, philosophe, décrit la disruption comme un phénomène d’accélération de l’innovation qui va plus vite que l’évolution des sociétés et des systèmes sociaux qui les structurent, ce qui a pour conséquence que ceux qui s’approprient cette innovation technologique, les GAFAM, imposent des modèles qui détruisent les structures sociales existantes et rendent les pouvoirs publics impuissants. C’est l’ubérisation de l’économie où les employés ne sont ni des autoentrepreneurs qui peuvent fixer librement le prix de leur prestation, ni des salariés avec des droits sociaux.
En 40 ans le taux d’emploi précaire a triplé (les emplois à temps partiel sont passés de 6 % à 18% de l’ensemble des emplois). Le salariat peu à peu se mute en précariat.
L’économiste américain William Brian Arthur observe que l’économie en est arrivée à un point où la production est largement suffisante pour satisfaire les besoins de tous, mais où les emplois générateurs de revenus suffisants pour accéder à toute cette richesse produite, se font de plus en plus rares. La question centrale n’est donc plus comment produire davantage, mais bien comment répartir mieux la richesse créée.
Cet assèchement de la distribution de la richesse par la rémunération du travail se manifeste à la fois par l’augmentation du chômage et l’exclusion du système de production, par la précarité dans l’emploi, par de grandes inégalités et une protection sociale de plus en plus fragile.
3. L’État redistribue un peu ce qui est mal distribué
Pour tenter de venir en aide à toutes les victimes de ce système économique, l’État et les collectivités locales, par l’impôt, tente de palier les failles dans la distribution de la richesse. Il finance des minima sociaux, des aides aux familles, des aides au travail pour le salarié (prime d’activité) et pour l’employeur (CICE, réduction Fillon).
Aujourd’hui il existe plus de 50 aides différentes, ciblées qui absorbent plus de 100 milliards d’euros, soit largement le montant de l’impôt sur le revenu payé par moins de la moitié des foyers fiscaux et de ce qui reste de l’ISF rebaptisé IFI. Avec la CSG il complète le financement des droits sociaux et en profite aussi pour prendre le contrôle sur la sécurité sociale.
Cette redistribution curative, à postériori, conditionnée, stigmatisante, familiarisée, ne réussit pas à s’attaquer aux causes de la pauvreté et laisse autour de 10 millions de personnes sous le seuil de pauvreté dont plus de 2 millions de travailleurs.
Par la complexité des procédures, de nombreux allocataires ne perçoivent pas ce à quoi ils auraient droit. Enfin les aides diminuent avec les revenus et avec les frais supplémentaires induit par l’exercice d’un emploi, cela n’encourage pas à la reprise d’une activité. 
 Surtout elle divise la société en citoyens de seconde classe, les ayants-droits d’un côté et les contributeurs de l’autre, véritable apartheid social où ceux qui réussissent s’arroge le droit de dire comment ces « déplorables de la République » doivent dépenser le peu d’aides que l’État leur octroie, pendant qu’une minorité fait sécession à coup d’optimisation fiscale, ce qui induit amertume, ressentiment, méfiance et repli sur soi. D’une république unie et indivisible on passe progressivement à une république fragmentée façon puzzle.
Pour terminer ce constat voici ce qu’écrivait déjà en 1907, Simmel, philosophe et sociologue allemand : [3]
Le système des aides sociales, c’est le moyen de faire taire les classes laborieuses qui prennent de plein fouet les ravages du capitalisme mondialisé. 
En un siècle malheureusement rien n’a changé.
Alors que faire ?
Beaucoup d’organisations d’entraide et de solidarité réclament un revenu minimum garanti pour les plus démunis. C’est une première étape urgente mais insuffisante. Car un système qui n’aide que les pauvres creuse encore l’écart qui les sépare du reste de la société. Une politique pour les pauvres est une pauvre politique observe Richard Titmuss, théoricien de l’État social britannique. 
Pour cela, il nous faut partir du constat paradoxal suivant :
1. Qu’aujourd’hui, le travail ne paie plus alors que la rémunération du capital explose mais la solidarité par les cotisations est toujours totalement assise sur les salaires,
2. Qu’il existe 10 millions de pauvres sous assistance de l’État et dans le même temps l’ensemble du corps social est très riche : 1 500 milliards de revenus primaires et plus de 12 500 milliards de patrimoine, rapport entre revenus et patrimoine inégalé depuis la fin du XIX°.
Ainsi sans perdre de vue le combat pour rééquilibrer en faveur du travail le partage de la valeur ajoutée, on peut dès à présent changer de pied en :
1. D’une part, répartissant mieux la solidarité entre travail et capital dans le partage de la valeur ajoutée – les machines qui remplacent de plus en plus les humains doivent aussi contribuer par une cotisation à l’existence des salariés qu’elles remplacent, comme le préconisait déjà Sismondi au début du XIX° siècle[4] et B. Hamon avec la taxe robot.
2. D’autre part, en substituant à la redistribution actuelle, faite d’aides sociales organisée par l’État une redistribution universelle transformatrice, préventive et inclusive (Nancy Fraser),[5] administrée par une branche de la Sécurité sociale.
3. Le tout, pour financer une allocation d’existence inconditionnelle et individuelle fondée sur le principe de solidarité universelle : Chacun contribue en fonction de ses moyens (en revenus et en patrimoine) à la satisfaction des besoins élémentaires de l’ensemble de la communauté.
4. A revenu universel, contribution universelle.
Deux sociologues suédois ont démontré que les pays où les programmes gouvernementaux étaient le plus universels étaient ceux qui réduisaient le mieux la pauvreté. Les gens sont plus ouverts à la solidarité quand elle leur profite personnellement.
Ce revenu dissocié de l’emploi doit être d’un montant suffisant pour éradiquer tout au long de la vie la pauvreté en se substituant à toutes les aides non contributives conditionnées financées par le budget de l’État (jamais de revenu individuel par unité de consommation < 1110 €).
Ce n’est plus le montant de l’aide qui est négociable mais son financement. Le 1er de chaque mois on reçoit inconditionnellement de quoi vivre dignement, à la fin du mois on contribue en fonction de la rémunération de son activité, de son patrimoine, au financement de cette allocation vitale.
Le philosophe marxiste Daniel Bensaïd soulignait cette impérieuse nécessité de la socialisation d’une part des revenus :
La division sociale complexe du travail devrait permettre une socialisation accrue du revenu et une extension des solidarités. Ce serait le sens d’un revenu universel garanti déconnecté́ du travail, non dans sa version libérale d’une aumône de survie mais dans une logique du droit à l’existence et de l’extension des domaines de gratuité.[6]
Ainsi son financement peut être assuré :
Par une contribution progressive sur tous les revenus, d’activité et du patrimoine qui remplace l’impôt sur le revenu,
 Par une contribution progressive sur le patrimoine net privé qui se substitue à l’I.F.I. 
Et une cotisation sur le capital productif, l’EBE. Qui remplace la cotisation des AF sur le salaire.
D’autres moyens de financement ou de distribution peuvent venir compléter ce dispositif fondé sur la solidarité sans en altérer la philosophie générale comme par exemple la gratuité de service. Ainsi par exemple l’allocation d’un dividende énergie individuel pour assurer les besoins quotidiens élémentaires, financé par un tarif unique plus élevé, permettrait d’exercer la solidarité des sur consommateurs envers les plus économes et de répondre en partie aux contraintes écologiques.
Une fois posés les principes de base, avec une proposition chiffrée et des exemples concrets qui concernent les différentes composantes de la population, il s’agit de montrer comment cette allocation d’existence peut être à la fois protectrice pour les victimes de notre système économique et émancipatrice pour la très grande majorité de la population et en particulier pour cette France qui est à l’euro près.
C’est d’abord une allocation protectrice
Par son montant elle immunise à toutes les étapes de la vie contre la pauvreté et libère l’individu de l’épreuve du guichet et de la charité publique et privée. Les plus concernés sont les travailleurs pauvres, les sans revenus, les jeunes adultes célibataires sans travail, les étudiants, les familles monoparentales, mères célibataires, les enfants de familles pauvres. Elle protège aussi contre les accidents de la vie. Elle complète et renforce les indemnités de compensation dues à un handicap, une invalidité ou une dépendance (AAH, aides à la dépendance) qui s’ajoutent à l’allocation d’existence.
Par sa dimension universelle cette allocation, en assurant une retraite individuelle de base égale à 60 % du revenu médian, permet de réorienter une part des cotisations pour une retraite complémentaire vers l’assurance maladie qui avec la transformation de la CSG en cotisation ouvre la voie vers une couverture maladie universelle à 100 %, rendant du même coup obsolète les assurances complémentaires.
 Ainsi ce nouveau droit ne sera pas le fossoyeur de notre Sécurité sociale. Au contraire il met réellement en œuvre le programme écrit il y a plus de 75 ans et tel qu’énoncé dans l’exposé des motifs de l’ordonnance du 4 octobre 1945 pour aller vers une Sécurité sociale universelle :
La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère. …Envisagée sous cet angle, la Sécurité sociale appelle l’aménagement d’une vaste organisation nationale d’entraide obligatoire qui ne peut atteindre sa pleine efficacité que si elle présente un caractère de très grande généralité à la fois quant aux personnes qu’elle englobe et quant aux risques qu’elle couvre. Le but final à atteindre est la réalisation d’un plan qui couvre l’ensemble de la population du pays contre l’ensemble des facteurs d’insécurité. »
 Tout est écrit.
C’est aussi une allocation émancipatrice,
Comme l’affirme Jean Marie Harribey d’ATTAC, « Le travail est « vivant » parce qu’il est vital dans un double sens : vital pour produire les conditions concrètes d’existence, vital pour se produire soi-même au sein d’un collectif social et culturel »[7] Il s’agit avec cette allocation d’existence de socialiser le premier objectif pour que chacun se consacre pleinement au second qui est de se réaliser socialement.
Ce revenu socialisé dissocié de l’emploi individuel, doit permettre de répondre aux mutations en cours dans le monde du travail comme aux défis environnementaux à surmonter dans les années à venir. Quand la vie n’est plus soumise au chantage de l’emploi, le revenu universel permet de se libérer d’une économie productiviste. Face aux défis environnementaux, il permet à chacun de faire les choix les plus pertinents pour la collectivité, tant dans son rôle de producteur comme celui de consommateur, étant assuré, qu’en toute circonstance, il disposera du nécessaire grâce à la solidarité de l’ensemble des membres de la communauté. Ainsi il est possible d’envisager une transition écologique vers un monde plus frugal, à la fois respectueux des êtres humains comme de l’environnement et des ressources terrestres. Cette allocation d’existence permet aussi d’aller vers la civilisation du temps libéré chère à A. Gorz. On ouvre la voie vers la réduction du temps de travail, individuellement et collectivement dans l’entreprise, pour un meilleur partage des emplois et une réduction drastique du chômage.
Ce revenu d’existence viabilise des activités aujourd’hui peu rémunératrices, comme l’agriculture paysanne, les commerces de proximité, l’artisanat local, les activités culturelles et la création artistique, les métiers de l’accompagnement et de l’aide à la personne ; il valorise les activités non marchandes, familiales ou sociales et par le temps libéré autorise l’implication dans la vie de la cité.
La formation, le changement de métier, les ruptures dans une carrière professionnelle, l’intermittence, la mobilité, l’échec peuvent être envisagés plus sereinement ;
En donnant de l’assurance et de la sécurité, ce revenu de vie libère l’individu du stress, de l’usage de béquilles médicamenteuses, d’addictions, allégeant du même coup les dépenses sociales des organismes publiques.
L’allocation, comme la contribution, sont individuelles, émancipant la personne de toute contingence familiale. Elle permet ainsi de dire non à des conditions dégradantes que ce soit dans le cadre de la vie privée ou dans celui de l’entreprise. Enfin quand tout le monde contribue de manière simple par un effort progressif en fonction de ses revenus et de son patrimoine, sans exception, à l’allocation de ce dividende universel la cohésion de la société en est renforcée. C’est la fin des exemptions catégorielles, des ayant-droits, des niches fiscales qui divisent la société et font que le coût des autres l’emporte sur l’empathie. Le consentement au financement de ce droit universel est plus facilement accepté. Le flux des plus riches vers les plus démunis ne dépendant que du niveau des inégalités dans la société.
Enfin Il n’en coûterait rien au budget de l’État, on ne change pas globalement la profitabilité des entreprises et on renforce les budgets des différentes branches de la sécurité sociale tout cela grâce à ce principe de solidarité universelle qui ne demanderait qu’un effort supplémentaire de 5 % des foyers fiscaux les plus dotés en revenus comme en patrimoine.
Il s’agit de construire un État social qui mise intelligemment sur l’épanouissement du capital humain plutôt que sur l’astreinte d’un emploi non choisi. Philippe Van Parijs, philosophe, fondateur du B.I.E.N (Basic Income Earth Network).
Pour conclure :
Cette proposition est une réforme de la société telle qu’elle est et non comme on souhaiterait qu’elle soit. Elle ne modifie pas immédiatement le partage de la valeur ajoutée entre capital et travail, elle ne remet pas en cause la propriété des moyens de production, elle vise seulement, par la solidarité de toutes et tous, à réarmer tous les citoyens pour conduire ensuite d’autres combats vers un partage plus équitable des richesses, pour créer une alternative à ce système économique prédateur des ressources et destructeur de l’environnement.
Après la crise sanitaire de 2020-2022 qui a révélé aux yeux de tous les dégâts de quarante années d’abandon du bien commun, l’ensemble des forces sociales ne peuvent continuer à être spectatrices de leur propre anéantissement.[8] Il faut être force de propositions pour se réapproprier ce qui doit nous être le plus cher : l’exercice d’un droit à une vie digne en toute circonstance.
Frédéric Worms, dans le Journal Libération, 13 mai 2021 s’exprime ainsi :
L’universel concret est revenu. Il est en fait devant nous. La pandémie l’a fait ressortir sous toutes ses formes : du vaccin aux conditions de travail en passant par la santé individuelle et publique. Oui, c’est « tout un programme ». Mais y en a-t-il d’autres, aujourd’hui ? Ne peut-il pas, ne doit-il pas nous réunir ?[9]
Cette allocation universelle d’existence peut constituer le premier dénominateur commun d’un programme de gouvernement, encore faut-il qu’elle permette à toutes et tous de s’affranchir de la charité publique qui vous oblige. Car il ne peut y avoir de liberté ni de démocratie réelle sans égale considération, sans égalité des droits humains et sans la solidarité des uns envers les autres pour garantir l’égale participation à la vie sociale et politique de l’ensemble des citoyens. Pour ne pas subir mais pouvoir choisir et pouvoir agir. 
Pour que chacun puisse exercer pleinement ce qu’Albert Camus appelle dans La Peste le métier d’homme. [10]
Quelques jours après la chute du mur de Berlin Vaclav Havel s’exprimait ainsi :
« Chacun de nous peut changer le monde. Même s’il n’a aucun pouvoir, même s’il n’a pas la moindre importance, chacun de nous peut changer le monde » j’ajouterais à condition de ne pas devoir perdre sa vie, son temps et son énergie à essayer de la gagner.


[1] https://www.revenudebase.info/
[2] Jean Marie Harribey, « La-centralité-du-travail-vivant », revue ATTAC, n° 14, été 2017
[3] Cité par Alice Zeniter dans Comme un empire dans un empire » Éditions Flammarion – 2020.
[4] D’après la thèse de Jean de Sismondi, (1773- 1842) l’introduction de nouvelles machines ne profite qu’au patronat. En effet, les profits grossissent alors que les salaires restent les mêmes. Il considère que cette augmentation des capacités de production va mener à des faillites : la consommation ne peut pas suivre le surplus de production puisque les ouvriers ne sont pas payés à leur juste valeur. Sismondi considère que l’inégal partage des richesses est doublement néfaste : c’est injuste et cela provoque des crises de surproduction. Il pense alors à faire augmenter les salaires grâce aux surprofits que crée la machine qui remplace l’ouvrier, en réduisant le temps de travail et en interdisant le travail des enfants. (Wikipédia)
[5] Comme l’écrit Nancy Fraser dans : « Qu’est-ce que la justice sociale ? » : « Les remèdes correctifs à l’injustice sont ceux qui visent à corriger les résultats inéquitables de l’organisation sociale sans toucher à leurs causes profondes. Les remèdes transformateurs, pour leur part visent les causes profondes. » ( …) « Combinant systèmes sociaux universels et imposition strictement progressive, les remèdes transformateurs, en revanche, visent à assurer à tous l’accès à l’emploi, tout en tendant à dissocier cet emploi des exigences de reconnaissance. D’où la possibilité de réduire l’inégalité sociale sans créer de catégories de personnes vulnérables présentées comme profitant de la charité publique. Une telle approche, centrée sur la question de la distribution, contribue donc à remédier à certaines injustices de reconnaissance. »
[6] Daniel Bensaïd, Éloge de la politique profane, Éditions Albin Michel, 2008, p49
[7] Jean-Marie Harribey, la centralité du travail vivant, revue ATTAC, 19 /09/2017 – https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-14-ete-2017/dossier-le-travail/article/la-centralite-du-travail-vivant
[8] Barbara Stiegler : Il faut s’adapter-sur un nouvel impératif politique, Éditions Gallimard, 2019, Page 276 : Privés à la fois des moteurs de la réforme et de la révolution, les partis dits progressistes sont un peu partout désarmés, assistant médusés à une troublante perturbation des signes, semblant les condamner soit à l’adhésion passive à la « révolution » néolibérale, soit à la lutte réactive contre ses « réformes » et pour la défense du statu quo. Les anciens conservateurs mutent en progressistes, tandis que les anciens progressistes sont dénoncés comme conservateurs. 
[9] Frédéric Worms, « l’universel concret » est de retour, Journal Libération, 13 mai 2021.
[10] Sylvie Portnoy Lanzenberg Notre métier d’humain, Éditions L’harmattan 2020 en référence à Albert Camus qui dans La peste écrit sur le « métier d’homme ».